L'approche classique
Pour rappel, le concept de facteur de risque fait référence, au sens strict du terme, à une variable corrélée statistiquement à la survenue d'un phénomène. Comme nous le montre le schéma ci-dessous, les facteurs probants (c'est-à-dire mis en évidence par des études épidémiologiques) associés aux comportements suicidaires peuvent donc être classés en 4 catégories.
- Avoir déjà eu des comportements suicidaires (avoir fait une tentative de suicide)
Il s'agit du facteur le plus associé aux comportements suicidaires.Le risque est le plus élevé dans la première année qui suit directement la première manifestation (Batt A. et al 1998). Dans les études référencées par Harris et Barraclough (1997), l'existence de tentatives de suicide antérieures augmente de 40% en moyenne le risque de suicide (cité par Batt A., 2000).
- Les facteurs psychiatriques
Il est important de noter que pratiquement tous les troubles mentaux sont associés avec les comportements suicidaires. Dans leur méta-analyse portant sur 44 troubles, Harris et Barraclough (1997) ont recensé 36 associations significatives, mais le risque varie de façon notable en fonction du trouble considéré.
La dépression est le trouble mental le plus associé (les résultats d'études donnent des pourcentages allant de 65% à 90%). On observe toujours plus d'hommes que de femmes qui se suicident bien que celles-ci soient plus sujettes à la dépression.
Mais il a été démontré qu'une femme recherchera plus facilement de l'aide qu'un homme. La dépression est aussi souvent un symptôme de comorbidité d'autres troubles psychiatriques (schizophrénie, troubles de la personnalité, troubles anxieux et/ou usages de substances psycho actives) ou somatiques (maladies chroniques sévères, cancer, SIDA etc.).
En conséquence, la signification du comportement suicidaire va bien au-delà du seul symptôme de dépression. Le désespoir (hopelessness) est un des médiateurs entre la dépression et l'intention suicidaire. Les mécanismes psychologiques qui interviennent dans ce processus sont la rigidité cognitive et l'incapacité à résoudre les problèmes de la vie courante. Mais le passage du désespoir aux intentions suicidaires n'est pas systématique, il dépend de la présence de certains facteurs de risque et/ou de la présence/absence de facteurs de protection (le support social semblant intervenir le plus fréquemment).
Sont donc aussi associés : les troubles de l'alimentation (anorexie et/ou boulimie), les troubles bipolaires (individu maniaco-dépressif), la schizophrénie (le suicide constitue une suite fréquente de la schizophrénie), l'anxiété et les troubles de l'adaptation, du comportement et de la personnalité, les dispositions psychologiques telles l'impulsivité et l'agressivité, l'abus de substances (alcool et drogues).
Les diagnostics d'abus et/ou de dépendance aux substances sont fortement associés aux comportements suicidaires. De plus, les analyses toxicologiques faites directement après le comportement suicidaire montrent qu'une proportion importante d'individus sont sous influence de drogues et/ou d'alcool au moment de poser leur geste.
Comme souligné un peu plus haut dans le texte, il existe une comorbidité importante entre dépression et abus de substances. La consommation excessive d'alcool peut conduire directement ou indirectement à la dépression à cause du sentiment de déclin et d'échec que peut ressentir un individu du fait de sa dépendance alcoolique. La consommation excessive d'alcool peut s'avérer être une automédication pour lutter contre une dépression. La consommation d'alcool et la dépression peuvent être les résultantes de la présence d'événements stressants dans la vie de l'individu.
- Les facteurs biologiques et génétiques
Il existe un lien entre le déficit en sérotonine au niveau cérébral et le risque de présenter des comportements suicidaires. De plus en plus de travaux montrent une corrélation entre l'abaissement du taux de cholestérol et l'accroissement des taux de morts violentes dont les suicides. Les récents travaux de Garland et al (2000) relient l'abaissement du taux de cholestérol avec les mécanismes psychologiques de l'impulsivité repliche orologi et de l'agressivité ; ces deux mécanismes étant eux-mêmes corrélés aux comportements suicidaires.
L'hérédité de certains problèmes graves de santé mentale peut avoir une influence sur les comportements suicidaires.
Comme nous l'avons expliqué ci-dessus, les événements de vie stressants augmentent le risque de faire une dépression. Une certaine prédisposition génétique pourra augmenter le risque que ces événements aient des effets néfastes.