Tentatives de suicide et décès par suicide

Par son geste, le jeune dit aux adultes la difficulté qu'il éprouve à se projeter dans l'avenir et à maintenir une image positive de lui-même. L’adolescent qui fait une tentative de suicide s’attend à ce que les choses changent par la suite, il ne se rend pas toujours compte du caractère irréversible que peut revêtir son geste.

Si le geste est banalisé ou caché ("on n’en parle pas"), si le jeune se retrouve dans la même impasse, la récidive est à craindre. Cette question est d'importance puisque les tentatives de suicide répétées sont fréquentes à l'adolescence. Il est donc capital de rechercher et de comprendre les causes antérieures, plutôt que de se focaliser sur l'acte déclenchant, comme par exemple une mauvaise note à l'école, une rupture amoureuse, une dispute familiale. Le jeune et l'entourage proche peuvent ressentir le besoin de rechercher une rationalisation de l'acte, mais bien souvent le jeune suicidaire ne connaît pas le sens de la souffrance qui est dissimulé derrière son geste. Et c'est justement parce qu'il ne connaît  pas ce sens et qu'il ne sait pas comment y faire face qu'il est suicidaire. Il cherche à mettre un terme à ses souffrances en modifiant à travers la mort son mode d'existence.

• 50 % des adolescents qui font une tentative répèteront leur geste
• La plupart des adolescents qui font des tentatives multiples en font entre 2 et 4
• Les adolescents qui font des tentatives répétées ne sont pas moins à risque de suicide que ceux qui n’ont fait qu’une seule tentative

Certaines caractéristiques permettent de différencier les adolescents qui font des tentatives répétées de ceux qui ne font qu'une tentative. On peut citer comme caractéristiques les troubles de santé mentale, l'agressivité, le milieu social et le sentiment de compétence. Selon certaines études, les adolescents qui font des tentatives de suicide répétées, sont caractérisés par une détresse chronique provoquée par un milieu familial instable et une forte présence de troubles de santé mentale. Ces études en question n'ont cependant pas pris en compte  les adolescents qui ont fait plus de 3 tentatives: il n'est donc pas possible de définir les caractéristiques de ceux qui font 4 tentatives et plus. Il ne faut cependant surtout pas sous-estimer le risque de décès par suicide que peuvent présenter ces jeunes et bien évaluer ce risque, car entre 1% et 5% des adolescents ayant fait une tentative de suicide décèderont par suicide.

C'est aussi au cours de la première année suivant la tentative que le risque de décès par suicide est le plus élevé. Les tentatives de suicide sont par ailleurs plus nombreuses que les suicides aboutis. Elles sont cependant plus difficiles à comptabiliser, car la grande majorité des tentatives ne cause pas suffisamment de dommages physiques pour justifier que la personne soit prise en charge par un médecin. 

Un tableau réalisé par le CRISE, en 1998,  représente très bien cette répartition des idéations, tentatives et suicides complétés chez les adolescents de 15 à 18 ans. 

Une question déterminante pour la prévention du suicide est de savoir si les adolescents qui ont des idéations suicidaires, ceux qui tentent de s'enlever la vie et ceux qui décèdent par suicide font partie d'une même population ou s'ils se distinguent selon certaines caractéristiques.

Chez les jeunes, une tentative de suicide n'est cependant pas toujours le signe avant-coureur d'un suicide : certains se suicident sans avoir jamais fait de tentatives préalables alors que d'autres font une tentative de suicide qui ne sera jamais suivie d'un suicide.

Le suicide met d’abord les proches en état de choc : comme pour un accident, la mort arrive sans prévenir et sans que l’on ait pu s’y préparer. Une fois les premiers jours de sidération passés vient le temps de la colère, particulièrement compliquée à gérer: « Parfois, on retourne la colère contre soi, ou contre un tiers, parce que c’est moins douloureux ». D’autant que les proches ont le plus souvent à se débattre, aussi, avec un sentiment de culpabilité très complexe : il y a, bien sûr, la certitude de ne pas avoir été capable d’empêcher l’irréparable.

Pour toutes ces raisons, faire le deuil de quelqu’un qui s’est suicidé est douloureux. Au coeur de leur souffrance, ceux qui restent ont souvent l’impression que personne, à part celui qu’ils pleurent, ne pourrait comprendre ce qu’ils endurent. Au point de renoncer à demander de l’aide, et même à en parler. Pourtant, la parole est un outil formidable et indispensable pour aller mieux. 

Les associations proposent un soutien et un espace de parole précieux. Mais si les parents, les conjoints et les enfants osent de plus en plus demander secours pour avancer dans leur deuil, les frères et soeurs, les amis et les collègues sont moins souvent accompagnés, et souffrent d’un isolement dont ils n’osent pas parler. Comme si leur douleur n’était pas aussi légitime. Pourtant, tous ceux qui ont fait le chemin le savent : c’est avec une aide appropriée et du temps que le deuil, même celui-là, se fait. Alors, la douleur finit par s’adoucir, et la vie redevient possible.